top of page

Djely Tapa ; Femme affirmée du 21e siècle

J’ai eu l’incroyable honneur de rencontrer l’artiste malienne-canadienne Djely Tapa, une femme à la voix puissante, qui écrit les pages de sa propre histoire. À travers une discussion enrichissante, j’ai découvert une artiste affirmée, qui incarne à mes yeux la véritable définition de l’afrofuturisme : se souvenir du passé tout en écrivant, dès aujourd’hui, le récit du futur.


Cette conversation a laissé une profonde empreinte en moi. L’entrevue que voici ne rend pas pleinement justice au temps passé avec elle, ni à toute la sagesse qu’elle a partagée. Mais j’espère qu’elle saura inspirer celles et ceux qui, eux aussi, cherchent à trouver leur place dans ce vaste monde et à poursuivre leur chemin avec conviction.


Credit: Jypheal Tayorault
Credit: Jypheal Tayorault

Comment décrirais-tu ton style musical et quelles sont tes influences ?

Comme je dis toujours, avant tout, je suis une griotte. Mais je suis aussi une femme noire du 21e siècle. Mon identité vient de mes racines, de ma personnalité, de mon époque, et aussi de mes espoirs.

Je travaille sur trois dimensions : le passé, le présent et le futur. L’utilisation de l’afro futurisme et de l’électronique, le blues et le jazz représente le siècle dans lequel je vis et à travers les thèmes que j’explore dans ma musique. Dans ma musique je valorise mon histoire et elle est raconté par moi à ma manière et dans mon temps.


Quel est le rôle d’une griotte? [1]

Être griotte est tout d’abord un rôle social. Il a été donné à un groupe pour maintenir les valeurs traditionnelles et la culture pour la transmettre comme une bibliothèque. Du côté de la mémoire collective Nous avons le rôle de garder notre histoire et de la transmettre a

Du côté social, la griotte a rôle de préserver la mémoire collective. C’est en sachant d’où on vient qu’on peut savoir qui on est. La griotte puise dans le passé pour intervenir dans le présent et préparer l’avenir. Donc, on se sert l’art, de la danse et de la musique pour transmettre la culture de nos ancêtres.


Pouvez-vous nommer quelques thèmes qui reflètent le 21e siècle ?

Aujourd’hui, on entend constamment le mot "influenceur". Mais à mon avis, c’est un terme qu’on utilise un peu trop facilement. Je crois que chacun de nous a le pouvoir d’être un influenceur, d’avoir un impact, et surtout de définir sa propre identité sur cette planète. Mais qu’est-ce qu’on influence vraiment ?


Nous vivons à une époque où il est enfin possible de se réapproprier notre histoire — celle qu’on nous a racontée, celle qui a longtemps défini qui nous étions — pour la réécrire avec nos propres mots. Pour moi, le 21e siècle est marqué par la reconnaissance de soi, par l’affirmation de notre place dans le monde, une place que chacun mérite pleinement.

Avec mon album, j’ai voulu rendre hommage aux femmes qui ont redéfini mon histoire. Celles qui m’ont inspirée, guidée, et qui ont contribué à faire de moi la personne que je suis aujourd’hui.


Credit: Jypheal Tayorault
Credit: Jypheal Tayorault

En écoutant ton dernier album, j’ai remarqué l’importance de la narration dans la façon dont tu transmets ton message, peux-tu nous expliquer ton processus créatif ?

Les mots me viennent avec les mélodies. Être une griotte, c’est être une conteuse, et pour moi, l’un ne va pas sans l’autre. Les paroles et la musique naissent ensemble, et ensuite, j’adapte le tout selon la mélodie ou le genre musical que je veux explorer. Mais je dirais que, très souvent, ils émergent en même temps.



As-tu une chanson que tu préfères ?

La première chanson, Laban, parle de l’imprévisibilité de la vie et de l’avenir. Elle évoque le fait qu’on peut naître en bonne santé et finir malade, ou venir au monde dans la pauvreté sans que cela définisse pour autant notre destinée.

Mon cousin a joué du N’goni au début de cette chanson. Malheureusement, il n’a jamais eu la chance de l’entendre, car il est décédé avant la sortie de l’album. Cela me rappelle à quel point la vie est fragile. On ne sait jamais comment une existence va se terminer. Rien n’est garanti, tout peut basculer à tout moment.



En quoi vivre à Montréal a-t-il influencé ta musique, tant sur le plan sonore que culturel ?

J’ai la liberté de parler de ce que je veux. La Québécoise en moi est aussi une femme féministe, qui s’affirme et qui est libre d’être elle-même. Quand j’aborde certains sujets, j’ai une voix franche et je ne me gêne pas pour dire les choses comme je les ressens.

Également, j’ai la chance de collaborer avec des artistes issus de différentes communautés et aux styles musicaux variés, ce qui enrichit ma musique.


As-tu rencontré des obstacles en tant qu’artiste dans la scène musicale canadienne?

Bien sûr ! Je pense que tous les artistes qui évoluent dans le monde de l’art rencontrent des difficultés, telles que des salaires modestes, l’incertitude, le doute, etc. De plus, en tant que femme avant tout, je suis très consciente du fait que cette industrie est largement dominée par les hommes, et que les opportunités ont longtemps été limitées pour les femmes, peu importe leur origine.


Être une femme noire ajoute une couche supplémentaire à ces défis. Et dans mon cas, en tant que femme immigrante qui chante dans une langue autre que le français ou l’anglais, je peux te dire que j’ai dû surmonter de nombreux obstacles. Quand j’ai commencé sur la scène, il y avait très peu de personnes qui me ressemblaient.


Mais ce serait une erreur de sous-estimer la force et l’amour que je porte en moi. Même si je ne fais qu’un seul spectacle par an, je le ferai. Même si seulement deux personnes assistent à mes performances, je continuerai. Je ne lâcherai pas. Et on ne changera ni mon style, ni qui je suis.


Credit: Jypheal Tayorault
Credit: Jypheal Tayorault

Ton style est à la fois unique et affirmé, qu’est-ce qui t’inspire dans tes goûts vestimentaires?

J’ai toujours été atypique, depuis mon enfance, notamment dans mon style vestimentaire. Je refusais de m’habiller comme tout le monde, et cela faisait parfois rire les membres de ma famille. Il fallait toujours que j’y mette ma touche personnelle. Heureusement, ma mère m’a toujours encouragée à explorer mon style, et je lui en suis profondément reconnaissante pour toutes ces années durant lesquelles elle m’a laissée me découvrir.


Encore aujourd’hui, je collabore avec différents designers et stylistes à travers le monde, mais je tiens toujours à apporter ma signature. C’est vraiment un travail de collaboration. J’adore la mode — je couds mes propres vêtements, je puise mon inspiration partout, et j’aime expérimenter avec différents styles.


Pour moi, la mode est un autre moyen de communication. C’est un art visuel, au même titre qu’un tableau. Donc, lorsque je monte sur scène, je me présente comme une œuvre d’art vivante : chaque détail compte. J’utilise pleinement ma créativité pour visualiser ma performance — du maquillage aux vêtements, en passant par l’interaction avec le public, le placement des musiciens... Rien n’est laissé au hasard.


Quelles sont tes objectifs à court et long terme?

En ce moment, je suis en pleine promotion de mon dernier album. À court terme, mon objectif est de sortir un troisième vidéoclip pour continuer à lui donner de la visibilité.


À plus long terme, j’aimerais collaborer avec des DJs du monde entier et explorer davantage la musique électro. Je sens que ma voix s’harmonise naturellement avec ce style, et cela m’inspire à aller plus loin. J’aimerais développer un projet collaboratif avec plusieurs artistes, pour repousser les limites de ma créativité et créer quelque chose de vraiment unique.



Quel message souhaites-tu transmettre aux jeunes artistes ?

Je dirais : n’abandonne pas, et surtout, reste fidèle à ta personnalité et à tes différences. Chaque artiste doit comprendre que son art, avant tout, doit lui parler à lui-même. Si tu aimes ce que tu fais, alors continue, malgré les obstacles.

Ouvre-toi aux autres, car c’est ainsi qu’ils s’ouvriront à toi. Le succès n’est jamais garanti, mais l’essentiel, c’est de toujours donner le meilleur de soi, peu importe le résultat.


ANNONCE

Ne manquez pas Djely Tapa ce soir aux Francos de Montréal, sur la scène Rogers à 19h. Une performance à ne pas rater!


Retrouvez Djely Tapa dans plusieurs plateformes

 

Prochaines Prestations

20 juin 2025 Francos de Montréal

19 juillet 2025 Festival Guitares en Fête de L’Islet

08 aout 2025 Festival Musique du Bout du Monde

18 décembre 2025 La Chapelle spectavles




[1] ‘’La place du griot moderne se perçoit comme celle du relais social, liant et lien social, mais parfois image renvoyant au passé. Elle est décrite dans la charte de Kurukan Fuga qui a posé les grands principes devant régir la vie du grand peuple mandingue dans toutes ses composantes et sur tous les aspects.’’ Cissé, I. (2023, août 30). Rôle du griot dans la société africaine : Les mutations d’une figure clé. The Conversation. https://theconversation.com/role-du-griot-dans-la-societe-africaine-les-mutations-dune-figure-cle-202770 













Comentarios


bottom of page